Approche de l’œuvre par l’artiste
Un projet photographique
Réalisation d’un travail photographique sur Surgères et ses alentours
(échelle du canton et de la communauté de communes).
Quand on évoque la Charente-Maritime, on pense immédiatement à la « ville-phare », La Rochelle, à son « annexe », Rochefort, au littoral, aux îles… Et l’on oublie bien souvent les arrières-pays d’Aunis et de Saintonge, et encore plus le premier d’entre eux. Il est vrai que le paysage de l’Aunis intérieur, avec son air de petite Beauce, ne se prête guère a priori à la rêverie romantique et à l’égarement du voyageur. Cependant, ce territoire n’est pas un territoire à l’abandon, comme il en existe tant d’autres en France. Il y a une activité économique réelle avec un tissu de PME qui vient renforcer l’activité agricole traditionnelle, et une courbe démographique positive, peut être due en partie au phénomène de rurbanité, mais qui atteste en tout cas que ce territoire ne se dépeuple pas.
Ce qui manque, c’est sans doute un déficit de représentation du territoire, déficit qui empêche à la fois un sentiment d’appropriation positive de la part des habitants, et un processus d’identification de la part des gens extérieurs. C’est ce déficit de représentation que nous aimerions compenser par la mise en œuvre d’un projet photographique qui interroge et mette à vif ce territoire dans ses composantes à la fois humaines et paysagères. La ville de Surgères étant le cœur géographique et historique de cette partie de l’Aunis, nous limiterons cette investigation photographique à la ville elle-même et à son canton (qui recoupe également la Communauté de communes), soit douze communes et leurs villages et hameaux.
Dans mes travaux photographiques, j’essaye à la fois de concilier une certaine objectivité documentaire, à savoir une forme d’intelligence critique du territoire qui me permet d’en analyser avec le plus de justesse possible les différents aspects paysagers (paysages ruraux, paysages urbains, paysages vernaculaires et périphériques), avec une approche esthétique et artistique qui met en avant ce que j’appelle un « décalage poétique ». Les paysages que je photographie ne sont pas des paysages indifférents, extérieurs : j’aime qu’ils participent d’une relation empathique que j’entretiens avec le monde que je traverse.
On peut retrouver, dans un billet récent de mon blog, un long développement sur mon approche actuelle de cette question de la représentation des paysages à travers la photographie : http://wordspics.wordpress.com/2013/01/01/a-propos-darcadia-revisitee/
J’y développe mon souci de rééquilibrer une certaine forme de désenchantement du monde qui nourrit nombre de travaux photographiques contemporains par la mise en valeur des liens et de l’attachement que l’on peut avoir vis-à-vis des paysages dans lesquels on vit et on travaille, y compris les paysages les plus simples. Cela induit entre autres que ces paysages puissent être aussi “incarnés“ par leurs habitants. D’où l’importance de portraits individuels ou de groupes venant ponctuer cette en-allée photographique à travers le territoire choisi. Chaque portrait est une rencontre, un échange. Ces rencontres peuvent être le fait du hasard du chemin, elles peuvent être également préparées en amont, en faisant appel dès le début du travail à des volontaires désireux de s’inscrire dans ce projet.
Et puis, le printemps qui s’invite dans l’intitulé du projet n’est pas là par hasard : ce moment du regain de la nature est comme une métaphore d’une forme de “célébration“ de la vie en ce territoire.
Le protocole de prise de vue, généré par l’utilisation d’une chambre grand format, participe également de ce rapport particulier aux gens et aux paysages. Pour les premiers, il garantit un échange moins anodin qu’un simple portrait clic-clac, échange qui stipule de part et d’autre une vraie pause dans le déroulement inexorable du temps. Certaines photos de groupes (familles, groupes de travail etc.) pourront être même mises en scène. Pour les seconds, cela induit un rapport plus attentif et plus contemplatif qui donne justement à mes photographies de paysage cette dimension “vécue“, voire intime, dont nombre de textes critiques se sont faits l’écho.
Cela dit, il ne s’agit pas de faire “le portrait officiel“ d’un territoire, mais de contribuer à sa meilleure connaissance. Ce projet s’inscrit dans une démarche artistique qui oblige à respecter le libre propos de l’auteur.
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